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Zélie Nguyen

Les tableaux de bois sur lesquels je peins de petits formats sont très semblables à des boites. J’ai voulu jouer sur cette dimension en inversant ce qui est ouvert et fermé, ce qui est plat et ce qui est profond. Je me suis inspirée des dioramas, un mode de reconstitution d'une scène (historique, naturaliste, géologique) en volume construit plan par plan. Et l’idée de schématisation, d’une construction didactique de l’image : le paysage dans ce tableau ressemble à une carte géographique.

Ce tableau s’inspire d’une nouvelle de Borgès, dans laquelle est décrite une bibliothèque-univers, c'est-à-dire qu'elle est tellement grande qu'elle contient tous les textes possibles et imaginables, sa taille constitue un défi à l'imagination humaine. Cauchemardesque et infinie, cette bibliothèque renferme les secrets de l’Univers et les destins de chacun. Elle représente la quête infinie et éternelle du sens de la vie. Ici, on pense aussi à l’idée que la lecture permet de vivre toutes les aventures, ouvre des mondes à celui qui sait lire. Le renard allongé pourrait être endormi et évoquer la thématique du rêve et de l’imaginaire, mais il pourrait aussi crouler sous le poids de ce savoir, de cette histoire de l’art.

Le bouc est un symbole de fécondité, lunaire et nocturne. Il est immolé par le dieu Bacchus dans la Grèce antique. Le dieu Pan, faune ou satyre fait partie des représentations les plus communes (récemment représenté par un Faune dans le film de Guillermo Del Toro, le Labyrinthe de Pan).

Le gardien du monde tranquille est le nom chinois qui fut attribué au peintre Giuseppe Castiglione, missionnaire italien envoyé en Chine en 1715. Embauché par la famille royale Qing comme peintre Royal, il est considéré comme l’un des 10 peintres royaux les plus influents de la dynastie Qing. Le lévrier représenté dans ce tableau est peint après une oeuvre de Castiglione, passionnante figure qui fait un lien entre les influences que je cherche à combiner dans mes peintures : l’orient d’une part (estampes, miniatures orientales, laques etc.) et l’occident de l’autre (enluminures bibliques, primitifs italiens)

Le thème du miroir est récurrent dans la peinture et la mythologie : Il conduit à s’interroger sur les formes et les succès de la connaissance : Narcisse croit se connaître au miroir des eaux ; la satire tend un miroir à son lecteur pour qu’il y reconnaisse ses travers et ses vices, Stendhal rêve d’un miroir qui, promené au long des chemins, permettrait de voir l’exact reflet de la réalité. Ces exemples mêmes ne peuvent qu’inciter à la méfiance : le miroir ne reflète qu’une réalité inversée. Que voit-on par conséquent au miroir ? Une douteuse réalité ? Peut-être pas la vérité. Ou alors il faudrait traverser le miroir comme le préconise cocteau, ou encore regarder à travers et même derrière le miroir ? Dans ce tableau, plusieurs dimensions se rencontrent pour interroger le réel et son double.

L’ oeuvre « Comment Wang-fô fut sauvé » s’inspire d’une nouvelle au titre éponyme écrite par Marguerite Yourcenar. L'histoire, qui se déroule dans la Chine médiévale, suit un vieux peintre et son disciple confrontés à la colère de l’empereur. Celui-ci a grandi enfermé dans une pièce remplie des tableaux du peintre et se forge une vision idéalisée du monde. Lorsqu’il est en âge de régner et qu’on lui accorde le droit de sortir de cette pièce, il découvre avec effroi que la réalité n’est pas à l’image des splendeurs peintes par l’artiste et veut se venger.
La portée philosophique de ce texte m’a fascinée, car elle soulève la question du rapport que l’art entretient avec le réel, tout en abordant les problématiques bouddhistes et taoïstes sur la question du matériel qui éloigne de la beauté des choses, la quête spirituelle du peintre-vagabond de son disciple.
J’ai peint ce tableau en ayant en tête cette pièce qui enfermerait un monde idéal ; L’architecture qui le contient a été peinte d’après l’Annonciation à sainte Anne de Giotto, une fresque qui m’est symboliquement très chère car la reproduction de cette peinture m’a suivie dans tous les lieux où j’ai vécu, au point qu’il m’a toujours semblé représenter un lieu réel.
Le monde peint (tableau dans le tableau) est une réinterprétation d’une peinture de paysage de Hokusaï dont la contemplation m’apaise comme un lieu de refuge. L’ensemble de la scène baigne dans une indécision, un brouillard où la temporalité semble suspendue. Aussi, la figure du chat est énigmatique : s’est-il échappé de ce monde idéalisé ? En est-il le gardien, l’habitant ? Il se tient dans cet espace intermédiaire entre les dimensions, à ce carrefour où la frontière entre la réalité et la fiction devient poreuse, regarde le spectateur comme pour interroger la place qu’il occupe par rapport à cette frontière.

Dans de nombreuses mythologies, et croyances, la roue symbolise de la vie, du temps, du destin ou encore de l’acte créateur. Dans ce tableau, si elle est identifiable immédiatement, à y regarder de plus près on y voit des incohérences : on ne sait pas quel rayon passe devant ou derrière, et comment la rotation pourrait bien avoir lieu, ce qui crée un trouble dans un image à première vue simple et harmonieuse. Le paysage à l’arrière plan fait penser à ces illustrations géologiques qui révèlent les couches terrestres, tout y est plat. Pourtant au premier plan, l’ombre des pattes de l’oiseau donne une sensation de profondeur au tableau. On comprend alors la tension entre le tout et les parties, la surface et la profondeur de champ, la peinture et la réalité.

Dans ce tableau j’ai représenté de façon assez littérale à quoi pourrait ressembler un « palais de mémoire »; un endroit lointain comme dans un rêve, et qui enfermerait des souvenirs, des sensations. Il pourrait symboliser l’inconscient.

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Zélie Nguyen

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